Le chanteur Noel Gallagher du groupe Oasis a écrit un jour que “la vraie perfection doit être imparfaite”. Personne ne résume mieux ce sentiment de génie imparfait que le footballeur George Best, l’homme dont la photo figure sur la couverture emblématique du premier album du groupe de rock. Retour sur l’histoire de la rockstar du football anglais : George Best.
Une icône incontestable à Manchester
En dehors du terrain, George Best était la rockstar adoptée par Manchester des dizaines d’années avant que les Oasis, les Stone Roses ou les Smiths ne tiennent une guitare. Sur le terrain, la légende de United jouait au football avec une telle élégance que même les supporters de Manchester City ne pouvaient résister à son talent. Même si son passage au sommet du football anglais a été plus court qu’il n’aurait dû l’être, le garçon de Belfast était une icône.
Le 25 novembre 2005, le football a perdu l’une de ses plus grandes stars et l’un de ses personnages les plus aimés. Une vie d’excès a finalement entraîné la mort prématurée de George Best à 59 ans, mais sa légende perdure dans toute l’Angleterre et au-delà.
La superstar venue de Belfast
L’Irlandais du Nord est considéré à juste titre comme l’un des plus grands. Même si à Old Trafford les jeunes générations de supporters chantent toujours les louanges du King Eric Cantona et de Ryan Giggs, les fans les plus âgés pour se souvenir d’El Beatle vous diront qu’il était un niveau supérieur à tout ce que le club de United a pu voir depuis.
Le potentiel de superstar de G. Best était évident dès le départ. En réalité, “génie” est le mot que Bob Bishop a utilisé pour décrire le jeune talent de 15 ans à Sir Matt Busby après l’avoir repéré dans sa ville natale de Belfast. Cependant, United a failli passer à côté du jeune prodige, car le premier passage de l’adolescent au club n’a duré que 48 heures avant qu’il ne retourne chez lui en Irlande, invoquant le mal du pays. Heureusement, quelques semaines plus tard, l’étoile montante est de retour à Manchester avec une deuxième chance. L’histoire d’une légende du foot a débuté ce jour-là.
Partisan inattendu dans la reconstruction de United
Les Red Devils souffrent encore de la catastrophe aérienne de Munich qui a anéanti le club en 1958. Un plan de reconstruction de cinq ans a permis à Busby de mener ses hommes à la FA Cup 1963 et, bien qu’une mauvaise saison en championnat ne puisse être écartée, Old Trafford dispose enfin de fondations solides pour construire un nouvel héritage.
La mission de reconstruction de Busby s’articulait principalement autour du duo formé par Bobby Charlton, rescapé de Munich, et Denis Law, qui avait rejoint le club en provenance du Torino à peine 12 mois plus tôt. Un vent de positivité souffle sur Old Trafford à l’aube de la saison 1963/64, grâce à deux des plus grandes stars offensives du club.
Cependant, les supporters de Manchester United sont loin de se douter qu’une autre star en devenir se profile à l’horizon ; aux côtés de Law et Charlton, George Best fera partie de la Sainte Trinité de Manchester United.
Le 14 septembre 1963, George Best, 17 ans, est présenté au monde. L’ailier rusé ne tarde pas à montrer son potentiel en donnant du fil à retordre à Graham Williams, le défenseur latéral de West Brom, et offrant au public un aperçu des dribbles fulgurants qui deviendront bientôt sa marque de fabrique. Son premier but suivra, contre Burnley, juste avant le début de l’année.
Le 3ème maillon de la trinité
La première saison de Best est assez impressionnante. A la fin de celle-ci, il est devenu un élément phare de l’équipe de Busby tandis que la trinité United commence déjà à s’épanouir. En fait, pour leur première sortie ensemble, les trois joueurs trouvent le chemin des filets et les Red Devils s’imposent 4-1 au Hawthorns.
Le club d’Old Trafford ne remportera pas de trophée cette année-là, s’inclinant face aux futurs vainqueurs de la FA Cup et de la Coupe d’Europe des clubs champion, mais une deuxième place en championnat marque une énorme transformation par rapport à la 19ème place obtenue à peine 12 mois plus tôt. Les progrès rapides de Best ont été soulignés grâce à ses performances avec l’équipe de jeune de l’académie de United qui a remporté la Youth FA Cup 1964.
L’élément clé dans la gloire de United
George Best s’impose également comme un joueur régulier avec son équipe nationale et ouvre son compteur de buts en sélection. De retour à Old Trafford, le club est sur le point de réaliser les rêves auxquels les Busby Babes semblaient destinés avant l’accident dévastateur survenu en en Allemagne quelques années plus tôt. Bien qu’il ne soit encore qu’un adolescent squelettique, Best va jouer un rôle crucial dans la gloire de United à venir.
La vision adaptée de Busby se concrétise véritablement en 1964/65 lorsque United remporte son premier titre depuis que les Babes ont remporté leur deuxième couronne consécutive huit ans plus tôt. En battant son grand rival Leeds United sur la base du « goal average », le club d’Old Trafford retrouve sa place au sommet du football anglais. La présence de Charlton tout au long de la transition fait de lui une icône, tandis que la troisième saison consécutive de Law en tant que meilleur buteur du club lui vaut de nombreux éloges. Mais George Best commence déjà à s’imposer comme l’attraction principale.
Pour sa première saison complète, l’ailier rusé affichait des stats hors normes. Mais George Best est déjà bien plus qu’un simple buteur : il incarne tout ce qui fait le charme des Babes, il est tout ce que le public d’Old Trafford a besoin.
Malgré ses qualités de drible, c’est la force et la bravoure de l’adolescent qui lui ont permis de se faire une place dans le cœur des fans de United. En effet, les défenseurs tentent vainement de blesser Best, mais le nouveau héros ne manque qu’un seul des 42 matchs de championnat de United.
Un Beatle dans le théâtre d’Old Trafford
La légende grandissante de George Best avait déjà transcendé le football. On le surnomme le “cinquième Beatle” (ou El Beatle), après la défaite 5-1 de United contre Benfica en 1966) en raison de son allure distincte et frappante. L’Irlandais du Nord était accueilli en fanfare partout où il allait.
Sur le terrain, cependant, sa magie avec un ballon de football frise le conte de fées. A cette époque, pour les classes ouvrières le football reste une forme d’évasion après une dure semaine de labeur. George Best est devenu un animateur hors pair ; même si la saison 1965/66 se termine sans trophée, Old Trafford est désormais le véritable théâtre des rêves.
G. Best à la conquête de l’Europe
Le rêve ultime de Busby est de mener le club vers une victoire en coupe d’Europe. La virtuosité de George Best fait aussi l’unanimité sur la scène européenne. Même le grand buteur Eusebio n’a pas pu faire de l’ombre à l’ailier de Manchester United, qui a démontré ses capacités face aux adversaires les plus coriaces d’Europe en jouant un rôle de premier plan dans la victoire 5-1 en quart de finale de la Coupe d’Europe contre Benfica.
La façon dont il a marqué son deuxième but (accélération, drible et finition soignée) était devenue un événement presque hebdomadaire pour l’ailier qui était encore à quelques semaines de son 20e anniversaire. Malheureusement pour les hommes de Busby, cette année-là, United s’incline en demi-finale de la coupe d’Europe contre le Partizan Belgrade.
Manchester United est à son meilleur niveau et s’élance vers un deuxième titre de champion en trois ans. Busby a créé une équipe entièrement nouvelle et efficace sur tous les terrains. Les deux titres soulignent l’importance de l’ailier droit dans la dynamique de victoire du club. En ce qui concerne le divertissement, Old Trafford est devenu la scène centrale du spectacle de George Best.
Ballon d’or et entrée au rang de légende du football
À 21 ans, Best est déjà un double vainqueur de la première division anglaise. L’ailier est déjà la star de tout une génération, mais la saison suivante va le propulser au rang des grands joueurs de tous les temps.
Les prix de Joueur de l’année et de Ballon d’Or lui sont décernés en 1968. La saison 1967/68 est, et sera toujours, l’une des plus importantes de l’histoire de Manchester United et du football anglais dans son ensemble. En tant que champion d’Angleterre, Busby s’est vu offrir une nouvelle chance de réaliser son rêve de trophée Européen.
La conquête de l’Europe est devenue une obsession, et un homme est destiné à la réaliser. Cependant, le parcours du club jusqu’à la finale de la Coupe d’Europe a eu un prix, puisqu’il a cédé le titre en championnat aux voisins locaux du club de Manchester City. Mais George Best a un autre rival en ligne de mire : le Benfica.
Un but comme symbole de gloire des années Busby
Au moment où United se rend à Wembley, Best est déjà meilleur buteur du club pour la saison en championnat avec 28 buts en 41 apparitions en première division. Aucun de ces buts ne sera aussi important que son dernier but de la saison. Il allait définir la carrière de George Best, mais aussi toute la gloire des années Busby.
Dans le temps réglementaire, United avait pris l’avantage grâce à Charlton, avant d’être rattrapé par le but de Jaime Garca. Il ne reste plus que 30 minutes pour réaliser le rêve le plus fou de Busby, gagner la coupe d’Europe. Il faudra un éclair de génie pour faire de ce rêve une réalité.
Au début de la prolongation, Best se montre à la hauteur et le numéro 7 de United vient battre Jose Henrique. Benfica capitule, permettant aux Red Devils de marquer deux fois de plus par Charlton et Brian Kidd. Dix ans après la plus grande tragédie du club, George Best dit Busby avait enfin réalisé le rêve des Babes. Si un seul homme pouvait réalisé cet exploit ; ce ne pouvait être que George Best.
Fin de l’aventure avec Manchester
George Best a quitté United en 1974 et a joué dans le monde entier : aux États-Unis, à Hong Kong et en Australie, avant de raccrocher les crampons au milieu des années 80. Après sa retraite, Best a ouvertement déclaré que l’incapacité de United à utiliser ce succès européen comme un tremplin était l’une de ses plus grandes déceptions.
Toutes les énergies avaient été consacrées à la réalisation de ce rêve. Pour lui, cela aurait dû être le début d’une ère de gloire sur l’Europe pour United. Cependant, la Coupe d’Europe 1968 sera son dernier grand trophée dans ce sport, car United régresse au cours de la dernière année de Busby et ne remportera pas d’autre titre avant trois ans après le départ de George Best.
Malgré le manque de rayonnement de l’équipe, l’emblématique numéro 7 continue d’illuminer le Theatre of Dreams, terminant meilleur buteur du club pendant cinq années consécutives et offrant régulièrement aux fans le spectacle qu’ils méritaient.
L’hygiène de vie d’une vraie rock-star
Le style de vie de rock star a eu des conséquences sur George Best. Des séances d’entraînement manquées, des histoires tristement célèbres dans les tabloïds et un manque de concentration apparent ont fini par provoquer une rupture avec le manager Tommy Doherty, qui le quittera au cours des derniers mois de la saison 1973/74. United est relégué, et la star du football fait ses adieux à Old Trafford.
À 28 ans, la plus grande attraction du football britannique aurait dû être dans la fleur de l’âge. Au lieu de cela, l’ailier emblématique envisage une retraite définitive. Après son passage à United, Fulham est sans doute le seul club à avoir vu la superstar du football à son apogée.
Sans doute une des plus grandes légendes du foot
Comme toutes les histoires des légendes du football, celle de George Best laisse un goût amer, car elle n’a été que l’ombre de ce qu’elle aurait dû être. Pourtant, tous ceux qui l’ont vu jouer à son apogée savent que son talent était hors du commun – même Pelé l’a qualifié de plus grand joueur de l’histoire.
Cela fait plus de dix ans qu’il s’en ait allé parmi les dieux du football, mais son statut au sein du jeu est plus fort que jamais. George Best était un magicien en avance sur son temps, et personne n’arrivera jamais à égaler l’effet “wow” qu’il apportait dans les stades. Son passage au sommet aurait pu être plus long, mais il n’aurait jamais pu être plus spécial. Merci à la rock-star du football britannique : George Best.