Le 2 septembre 1961, dans les rues de Santa Marta qui sentent la banane et le café, naît Carlos Alberto Valderrama Palacio. Connu sous le nom d’El Pibe, Valderrama est le numéro 10 par excellence du football colombien. C’est une légende du football et une icône de la pop mondiale. Ce joueur est l’incarnation d’un style de vie et d’une façon de comprendre le “fùtbol”.
El Pibe, un numéro 10 au style atypique
Tout le monde connaît Carlos Valderrama. Dans tous les coins du monde, sur les murs, sur les panneaux, dans les cours, des peintures murales avec son visage, à son effigie, sont créées. Ses cheveux dorés et bouclés sont la représentation d’un label admiré et imité partout. Son look et son expression footballistique ont eu un impact émotionnel extraordinaire chez les supporters colombiens (mais pas que) qui l’ont élevé au rang de personnage mystique à la limite de l’idolâtrie.
Protagoniste des années 1980 et 1990 : il a prêché le football dans son pays, la Colombie, et en Amérique du Sud. En Europe, on ne se souvient que de quelques apparitions fugaces, entre 1988 et 1992, dans des petits clubs et loin des grandes scènes : Montpellier et Valladolid.
Carlos Valderrama n’a pas beaucoup de trophées et ce n’est pas un joueur qui a marqué le monde du football avec des buts extraordinaires. Sa légende vit dans ses touches de balles, ses caresses du ballon, ses dribbles et sa maîtrise technique. El Pibe transforme ses défauts en vertus, ses faiblesses en qualités. Il construit son mythe autour de ses imperfections : il sublime son indolence, il élève la lenteur au rang d’art. C’est un artisan du ballon qui travaille avec le calme et la précision d’un orfèvre.
Star et leader des “Cafeteros” dans les années 80
Valderrama fait ses débuts en 1981 avec le maillot de l’Unión Magdalena, l’équipe emblématique de Santa Marta. Après une parenthèse mélancolique au milieu du trafic et du chaos métropolitain de Bogota avec les Millonarios, sa carrière décolle en 1985 avec le Deportivo Cali, où il fait équipe avec l’attaquant Bernardo Redin. La même année, il fait ses débuts en équipe nationale avec le maillot des “cafeteros” lors d’un match de qualification pour Mexique 1986 contre le Paraguay : il en deviendra rapidement l’un des éléments moteurs.
À la fin des années 1980, le style afro de Valderrama fait fureur en Colombie. En 1987, il remporte le Ballon d’or sud-américain. En 1988, il débarque sur le Vieux Continent, en Ligue 1 : Montpellier le choisit. Il remporte une Coupe de France, mais le football européen est trop physique et trop rapide pour lui. Cela ne se passe pas mieux en Espagne, à Valladolid.
El Pibe est le gourou d’une génération phénoménale qui redonne du lustre au football colombien, absent depuis 1962 dans les compétitions mondiales. L’autre moitié du ciel étoilé de la Colombie, la face cachée de la lune, c’est Renè Higuita. Si Valderrama est le Gullit blond, le gardien fou aux boucles noires est l’autre étoile de l’équipe.
En Italie lors du mondial 90, sous la direction de Francisco Maturana, la Colombie atteint les huitièmes de finale. Valderrama signe son premier et unique but en Coupe du monde lors de la victoire 2-0 de la Colombie sur les Émirats Arabes Unis, par un après-midi ensoleillé à Bologne. Les Cafeteros s’inclinent 1-0 contre la Yougoslavie et font match nul 1-1 face aux futurs champions du monde allemands. À Naples, en huitième de finale, le gardien colombien Higuita, dans une tentative maladroite de dribble, se fait piquer le ballon par Roger Milla, qui marque le but du doublé avec lequel le Cameroun élimine les Sud-américains.
Le flair et la classe cristalline de Valderrama ont continué à briller à Independiente Medellin et Junior Barranquilla. C’est avec les Roji-blancos qu’il a accumulé 82 apparitions et cinq buts et a remporté deux titres nationaux colombiens. Le 5 septembre 1993, au Monumental de Buenos Aires, Valderrama a inspiré l’une des plus extraordinaires performances footballistiques de l’équipe nationale colombienne. Lors des éliminatoires de USA ’94, les Cafeteros humilient l’Argentine avec un mémorable “partidazo” qui vaut un historique 0-5. L’aventure américaine se révèle toutefois être un échec retentissant : Valderrama, qui se remet d’une grave blessure, ne parvient pas à propulser la Colombie au deuxième tour.
La dernière performance en Coupe du monde en France 98. Le Pibe a 37 ans. Son poids est de plus en plus encombrant et sa lenteur exaspérante. La Colombie des merveilles n’est plus qu’un souvenir fané et nostalgique. L’équipe est éliminée dès le premier tour sans jamais donner l’impression de pouvoir aller de l’avant. Les Sud-Américains ont remporté leur seule victoire contre la Tunisie, 1-0. Leider Preciado marque. La passe décisive est, bien entendu, celle du Pibe, qui prend congé avec un dernier riff somptueux au pied lent.
Fin de carrière en MLS pour Valderrama, le roi du football Colombien
Valderrama clôt une très longue carrière dans la Major League américaine de football où il montre son art aux Yankees. Il se prélasse sous le soleil de Floride et s’assure une retraite heureuse à coups de dollars : Tampa et Miami ses équipes. Il trouve le temps d’être élu meilleur joueur de la ligue lors de la saison 1996. Il est désormais un numéro 10 vintage et démodé. Un vinyle du football moderne et schizophrène. Le son propre et rétro de Pibe, en revanche, est encore le son “démodé”. Il termine sa carrière sur le seuil des 42 ans.
Il promène maintenant sa moustache épique et son aura légendaire. Il est le gestionnaire de sa renommée. En tant que directeur sportif de Junior, en 2007, lors d’un match de championnat contre l’America Cali, pour protester contre les agissements de l’arbitre Oscar Ruiz, il montre au directeur du match un billet de 50 000 pesos. Dans les tribunes, l’enfer se déchaîne et 10 supporters sont blessés. Parce que les sermons de Valderrama, en Colombie, sont une religion d’État.
Il était le roi d’un El Dorado à lui tout seul, d’un monde à part. Pourtant, aux quatre coins de la planète, il reste une icône. Parce que celui qui porte les cheveux blonds et touffus, qu’il soit footballeur, plombier ou rock star, se coiffe à la Valderrama.