Fier représentant du dix-huitième arrondissement parisien, dont il est originaire, et aujourd’hui résident permanent canadien, Mohamadou Sylla fait partie des nombreux français à avoir tenté de vivre le rêve américain, avec réussite. Récemment titré dans le Championnat Universitaire Canadien, le joueur de 26 ans a accepté, avec franchise, de répondre à nos questions.
« Peux-tu nous présenter ton parcours ?
J’ai été formé à l’ES Parisienne (club de quartier du 18ème arrondissement, ndlr). J’ai commencé par jouer en district et j’ai gravit les échelons jusqu’à arriver en U19 DH et en senior. En parallèle du football, j’ai obtenu une licence. C’est d’ailleurs pendant mon DUT que j’ai fait un premier échange de 6 mois au Canada. J’ai aimé la mentalité et j’ai voulu voir ce à quoi la vie pouvait y ressembler en tant que travailleur. C’est la raison pour laquelle j’y suis retourné en 2017, avec un permis de travail de 2 ans. Depuis, je n’en suis jamais parti et j’en suis même résident permanent depuis cette année. Cette année, j’ai repris les cours à HEC Montréal et c’est ce qui m’a ouvert les portes de l’équipe des Carabins.
Tu as donc été formé à l’ES Parisienne, qu’y as-tu appris qui te sert encore aujourd’hui ?
Tu sais, quand tu joues au foot, il faut y jouer avec la dalle comme on dit, ce sont des valeurs qu’on a chez nous dans le 18ème. Si tu joues c’est avec la faim, tu ne dois pas te faire marcher dessus. Quand je jouais en district on jouait avec des clubs en Seine-Saint-Denis, c’était des matchs avec de l’intensité, tu allais jouer à l’extérieur là où ça pouvait parfois être tendu. Ça m’a formé mentalement. Après ça, quand tu arrives dans des villes « normales », tu n’es plus choqué, ces matchs te forment mentalement et tu deviens imperméable à la pression. Dans une ambiance hostile, si tu rentres sur le terrain avec la peur au ventre, ça ne sert à rien d’y aller. En terme footballistique, Paris est un vivier de joueurs de très bon niveau donc quand tu arrives ailleurs tu es déjà prêt.
Après ton premier échange au Canada en 2015, qu’est ce qui te donne envie d’y retourner au lieu de tenter d’aller dans un autre pays ?
Mon DUT ne proposait que le Canada mais avec des options dans différentes villes. Il y avait Montréal bien sûr, mais aussi des villes secondaires. Mes résultats scolaires ne m’ont pas initialement permis d’aller à Montréal et j’ai donc commencé dans une plus petite ville du nom de Matane, à l’ouest du Québec. Je viens de Paris qui est une grande ville mais j’ai été agréablement surpris par Matane et c’est ça qui m’a finalement donné envie de revenir. Le fait de n’avoir vu qu’une petite partie de Montréal m’a laissé sur ma faim, ça m’a poussé.
Comment s’est passée ton intégration à l’équipe ? Avec un coach et des joueurs qui ne parlent pas forcément tous ta langue ? Sachant que tu venais de l’étranger.
Ça a été car le français est la langue utilisée au Québec. On va dire qu’il y avait la petite barrière de l’accent (il rit). Ici, avant de jouer à l’université, on a la possibilité d’évoluer dans un championnat semi-professionnel. Tu arrives dans un pays où on ne te connaît pas, tu dois faire tes preuves, tu vas aux détections où il y a du monde et à l’issue desquelles très peu de joueurs sont finalement retenu, ça a pu être un petit peu compliqué pour moi.
Pour l’anecdote, ce qui m’a sauvé c’est une chose que je n’avais jamais fait de ma vie : j’ai mis un coup-franc. Je subis une faute et je décide de prendre mes responsabilités et de tenter ma chance, ça m’a réussi. J’ai donc pu jouer ma première saison. Quant aux différences que j’ai pu observer, il y a d’abord le côté athlétique, tu joues contre des adultes, les chocs sont un peu différents, tu dois lâcher ta balle un peu plus vite. C’est là que ma formation parisienne m’a servie, je n’étais pas dépassé physiquement. C’est un autre football.
Tu portes le numéro 6 dans ton équipe des Carabins. Est-ce ton vrai poste, celui de milieu récupérateur, ou simplement un numéro ? Sinon, quel est ton poste préférentiel ?
C’était un numéro qui était libre. Si j’avais pu, j’aurais pris le numéro 18 (il sourît). Sur un terrain, je peux jouer un peu partout. Cette saison, j’ai joué défenseur central, devant la défense au poste de sentinelle, en tant que milieu relayeur et même sur un couloir, je suis polyvalent. Après je me considères plus comme un milieu relayeur. Et pourtant à l’ES Parisienne, j’évoluais au poste de latéral droit bien que je préférais jouer à gauche.
Tu es droitier ou gaucher ?
Je suis droitier, j’aimais bien rentrer sur mon faux pied.
“Je pense que le foot est l’école de la vie. Dès le plus jeune âge tu apprends ce qu’est la concurrence et à atteindre un objectif commun.”
Pour nous européens, le football nord-américain est encore méconnu. Toi qui as eu l’opportunité de jouer sur ces deux continents, quelles sont les différences notables que tu as pu remarquer ?
Au Canada, je dirai que le jeu est plus basé sur le côté athlétique, tu joues contre des adultes, les chocs sont un peu différents, tu dois lâcher ta balle un peu plus vite. Ici les joueurs sont prêts physiquement. Chez nous (en France, ndlr), un joueur peut avoir tendance à négliger cet aspect physique car il compense avec son haut niveau technique. Ici, les mecs ont la culture du travail, ils s’entraînent, vont à la salle de sport… chose que l’on va un peu moins trouver chez nous. C’est un autre football.
Tu pourrais dire que c’est un football qui n’est pas forcément reconnu à sa juste valeur ?
Oui et surtout actuellement. Si un joueur venu d’Europe arrive avec l’idée que tout lui sera facile et qu’il va aisément s’imposer, je pense qu’il va se noyer et être choqué. Il va arriver en dilettante et finalement mettre plus de temps que prévu à s’adapter. Après, je ne vais pas non plus te mentir à te dire que le niveau professionnel est le même qu’en France mais dans les catégories de jeunes, il y a de très bons joueurs. Parfois j’en vois et je me dis « Ah ouais, ils sont forts quand même ».
Pourrais-tu m’en dire plus sur les idées de jeu de ton coach ? Ses demandes collectives, individuelles et sur le système ?
Collectivement, il demande d’être soudés, faire les efforts pour les autres, classique. Individuellement, il nous dit qu’il faut se donner les moyens de réussir. On joue sur un modèle principalement basé sur des transitions rapides et un pressing au bon moment pour éviter les erreurs. Ce qui est bien, c’est que c’est quelqu’un d’ouvert à la discussion.
Même question que tout à l’heure. Qu’as-tu appris aux Carabins ? Qu’est-ce que ça t’apporte en tant que footballeur et en tant qu’homme ?
Je pense que le foot est l’école de la vie. Dès le plus jeune âge tu apprends ce qu’est la concurrence et à atteindre un objectif commun. Tu travailles pour réussir le week-end, il y a de l’adversité. Parfois ton coach va te crier dessus mais tu vas devoir prendre sur toi car tu ne peux pas démarrer au quart de tour. Ici, j’ai appris à être plus calme, ça m’a beaucoup apporté sur le plan mental. Tu vis tellement de choses que tu te demandes ce qui peut parfois t’arriver de pire.
Je te félicite pour avoir remporté le championnat universitaire canadien cette saison. Ça va te permettre de faire partie de la draft et d’ainsi avoir une chance de passer professionnel. Comment perçois-tu cette possible chance ?
Je pense que c’est une bonne chose pour les joueurs de football universitaire qui veulent accéder au niveau professionnel. Après la draft n’est pas aussi fournie qu’aux États-Unis, il n’y a que 16 places pour l’ensemble des universités canadiennes. C’est compliqué mais je pense que c’est une bonne opportunité d’intégrer une vraie structure professionnelle.
Au Canada, comme aux États-Unis, le sport universitaire propose des similitudes avec le monde professionnel avec des tribunes remplies, un vrai engouement autour de la pratique… C’est une bonne formation non ?
En effet ! Aux Carabins, que ce soit au niveau de l’encadrement ou des structures, c’est quelque chose que je n’avais jamais vu. Je viens d’un petit club parisien et d’un coup, j’arrive dans un environnement avec des physiothérapeute, des salles de sport… Tout est mis en place de sorte que tu ne penses qu’au football et que tu ne sois focalisé que sur ta performance.
Quels sont aujourd’hui tes projets d’avenir sur le plan footballistique ?
Je ne suis pas du genre à me projeter, je vis au jour le jour. Si une opportunité se présente, je vais la saisir mais je ne suis pas quelqu’un qui se fixe de gros objectifs, qui se prend la tête.
Quels sont selon toi tes points forts et ceux sur lesquels tu peux t’améliorer ?
Je suis bon à la récupération, dans l’anticipation et dans le self-control. Je dois m’améliorer techniquement et à la finition. Ici, les joueurs sont techniques en plus d’être physiques. Ils vont avoir le réflexe d’aller répéter des gammes quand nous en France on serait plus tentés d’aller jouer avec nos potes. Il y a plus de sérieux ici.
As-tu un joueur que tu considères comme un modèle ? Si oui, lequel et pourquoi ?
Patrick Vieira, le bad boy d’Arsenal, Yaya Touré, Sergio Busquets, ce sont des joueurs que j’aime. Ils ont des profils quelque peu similaires au mien, assez calmes et polyvalents. »