26 mai 1999. Dans la douceur printanière barcelonaise, le Camp Nou s’apprête à accueillir la 44e finale de Ligue des Champions de l’histoire, un choc entre deux clubs mythiques du football européen. D’un côté, le Manchester United de Sir Alex Ferguson, David Beckham et de Jaap Stam ; de l’autre, le Bayern Munich d’Ottmar Hitzfeld, Oliver Kahn et de Lothar Matthäus. Tous deux qualifiés après des parcours plus ou moins difficiles, Anglais comme Allemands lorgnent désormais la récompense finale, celle qui garantit à son possesseur de passer à la postérité.
Le match des absents
En cette saison 1998-99, les affrontements entre le Bayern Munich et Manchester United deviennent monnaie courante. Adversaires dans le groupe D (2-2 à Manchester, 1-1 à Munich), tous savent déjà à quoi s’attendre de cette rencontre – ou pensent le savoir.
- La composition de Manchester United : Schmeichel (c) – Neville, Johnsen, Stam, Irwin – Giggs, Beckham, Butt, Blomqvist – Yorke, Cole
- La composition du Bayern Munich : Kahn (c) – Linke, Matthäus, Kuffour – Babbel, Effenberg, Jeremies, Tarnat – Basler, Jancker, Zickler
Ce soir là, Sir Alex Ferguson doit cependant composer sans Paul Scholes et Roy Keane, tous deux suspendus. Des absences qui ne l’empêchent pourtant pas d’aligner son traditionnel 4-4-2 et de nommer Peter Schmeichel capitaine d’un soir, lui qui disputait alors le dernier match de sa carrière mancunienne. En face, privé de Bixente Lizarazu et de Giovanni Elber, blessés, Ottmar Hitzfeld ne se renie pas non plus et opte pour un système en 3-4-1-2, avec Lothar Matthäus dans le rôle de libéro.
Avantage Bayern
Il est 20h45 quand, devant les quelques 90.245 spectateurs présents dans les travées du Camp Nou, Pierluigi Collina délivre les vingt-deux acteurs. Les Bavarois démarrent pied au plancher et leur domination ne tarde pas à se concrétiser. On joue alors la sixième minute de la première période quand le très théâtral sifflet italien sanctionne une faute de Ronny Johnsen sur Alexander Zickler d’un coup-franc en faveur de l’équipe allemande.
À l’entrée de la surface de réparation, Mario Basler, de son pied droit, décoche une frappe qui contourne le mur mancunien pour terminer sa course au fond des filets d’un Peter Schmeichel pris à contre-pied. Sonnés, les hommes de Sir Alex Ferguson tentent de réagir, mais font face à une équipe munichoise qui ne tremble pas. Finalement assez peu dangereux, les Red Devils regagnent les vestiaires avec l’obligation d’inverser la tendance en seconde période.
Manchester rompt, mais ne craque pas
Revenu de la pause avec de nouvelles intentions, Manchester United tente – et parvient – à se remettre quelque peu la tête à l’endroit. Ce qui ne veut pas dire que le Bayern va pour sa part moins bien. Au contraire, les Allemands passent même, à plusieurs reprises, tout proche de creuser l’écart. Les montants de Peter Schmeichel s’en souviennent d’ailleurs encore aujourd’hui.
À la 79e minute de jeu, le lob astucieux de Mehmet Scholl, qui avait remplacé Alexander Zickler quelques minutes auparavant, échoue sur le montant droit du portier norvégien. Cinq minutes plus tard, c’est cette fois au tour de la barre transversale de sauver le Great Dane. Celui-ci même racontera plus tard : « Quand le ballon est parti, je ne me suis pas retourné de suite, car je savais que ça faisait 2-0. Et puis, quand je l’ai vu heurter le poteau pour me revenir dans les bras, j’ai su qu’on gagnerait. » Et il avait vu juste.
L’apogée du Fergie Time
Cette expression, aujourd’hui complètement intégrée au lexique footballistique, n’a peut-être jamais trouvé meilleure illustration que lors de cette soirée de mai 1999. La fin du match approche quand Ferguson décide de faire entrer son supersub, Ole Gunnar Solskjær, à la place d’Andy Cole (81e). Un changement, le deuxième côté United (Teddy Sheringham avait remplacé Jesper Blomqvist à la 67e minute de jeu), qui a le mérite de réveiller l’équipe anglaise. Peu mis en danger, Oliver Kahn doit s’employer par trois fois pour empêcher les deux entrants mancuniens d’égaliser.
Les secondes s’égrainent et l’arbitre assistant annonce trois minutes de temps additionnel. À la baguette d’un nouveau corner en faveur de Manchester, David Beckham propulse le cuir dans la surface adverse. S’en suit un cafouillage, un ballon qui navigue sans réelle destination, puis l’explosion : Teddy Sheringham vient, d’un geste réflexe, de tromper Oliver Kahn et de permettre à United d’égaliser. La confiance a changé de camp. Quelques secondes après l’engagement, Manchester obtient un nouveau corner. David Beckham – encore lui – dépose le ballon au premier poteau, Sheringham le dévie pour Solskjær qui, d’une nouveau geste réflexe, le propulse au fond des filets.
Le Bayern est battu, Manchester United miraculé. Sur la pelouse comme dans les tribunes, le contraste est saisissant. D’aucuns pleurent pendant que d’autres ont le visage enfoui dans les paumes de leurs mains. Sur leur banc, Sir Alex Ferguson et son staff exultent. Côté Munichois, les visages sont fermés, quand ils ne sont pas noyés dans les larmes. Les Red Devils viennent, au terme d’une rencontre au scénario hitchcockien, de remporter la deuxième Ligue des Champions de leur histoire