Dans une interview exclusive accordée à l’émission “Rothen s’enflamme” de RMC, Kylian Mbappé est revenu sur les évènements qui ont animé sa jeune carrière. Son départ avorté au Real Madrid, l’élimination à l’Euro, ses relations avec sa hiérarchie, son image, le PSG : le natif de Bondy a répondu à tous les sujets, sans détours.
Kylian derrière Mbappé
Bien qu’il n’aime pas que l’on lui parle de son âge, le rappeler (22 ans) ne fait pas de mal. Loin de l’image du joueur parfois fermé que l’on peut être amené à observer lors des rencontres du Paris Saint-Germain et de l’Equipe de France, Kylian Mbappé a fait face aux questions de Jérôme Rothen et de Jean-Louis Tourre, le sourire aux lèvres et avec une aisance vocale remarquée. Alors qu’il réalise un début de saison satisfaisant avec son club (11 matchs, 4 buts, 3 passes décisives toutes compétitions confondues), le jeune attaquant n’a éludé aucun sujet au cours d’une interview longue d’une cinquantaine de minutes au cours de laquelle il a notamment parlé du mercato estival, de l’Equipe de France ou encore de son rôle en tant que joueur mais également en tant qu’icône. Extraits.
🔵🔴 Le PSG
“Contre Manchester City, vous avez plus permuté. C’est Pochettino qui l’a mis en place? En seconde période, j’ai l’impression que Messi était plus dans l’axe et toi sur un côté…
Non, pas forcément. Il faut s’adapter aux joueurs avec qui tu joues. Messi, c’est un joueur qui est attiré par l’axe, qui a besoin de cette densité. Et il libère le côté droit. Donc il faut aussi y aller. C’est naturellement que j’y vais. Je le vois qui rentre dans l’axe…
En début de saison, quand Messi et Neymar n’étaient pas là, tu touchais beaucoup plus de ballons…
Oui, mais quand tu joues avec trois joueurs comme ça, il faut partager le gâteau. Tu joues avec trois joueurs qui font partie des meilleurs du monde. Tu ne peux pas dire “je donne à l’un, pas à l’autre”. Les trois doivent manger. C’est là où on doit être intelligent. Il y aura toujours de la frustration, dans l’action. Mais il faut être intelligent. Le seul intérêt qu’on a, c’est de faire briller le Paris Saint-Germain.
Est-ce que c’est juste l’histoire d’une action? Ou est-ce qu’il y a un mal-être profond?
Non, non, non [après ses paroles à l’encontre de son coéquipier, NDLR]. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour le joueur et l’homme qu’est Neymar. Il n’y aucun problème. Il y a déjà eu ça plein de fois. Après, c’est sûr qu’avec l’arrivée de ces joueurs, de Messi, il y a beaucoup plus de caméras donc on est épié, même quand tu sors, sur le banc. […]
🇫🇷 L’Euro 2020
Comment tu expliques cet échec à l’Euro?
C’est compliqué. On perd dans un match où on mène 3-1 à la 80e, contre une équipe qui est supposée être inférieure. Tu te dis que le match est gagné, tu te projettes. Et tu perds. En phase de poules, on fait un premier match contre l’Allemagne qui est satisfaisant. Après, on est tenu en échec par la Hongrie. On est quand même en difficulté mais il n’y a pas de prémices sur quelque chose de négatif qui va arriver. On se dit que c’est un couac, dans un stade de 60.000 personnes et après le Covid, on est surpris. On joue le Portugal, on assure la première place. On se dit que pour l’instant, c’est une phase de poules, comme à la Coupe du monde, ça va au petit trot. Les matchs à élimination directe arrivent, mais ça ne passe pas. Dans la défaite, chacun tire ses conclusions. Personne ne détient la science infuse. La vérité, c’est qu’on s’est loupé.
Tu mets la barre très haut pour toi…
Oui, l’exigence envers moi-même, peut-être envers mes coéquipiers aussi. C’est peut-être ça qui est mal perçu. Je ne prétends pas être parfait. J’ai travaillé sur moi-même. Ça n’a pas marché à l’Euro. On s’est complètement loupé. Je me suis loupé aussi. J’espère que ça va nous servir pour la Coupe du monde. Ça vient vite. Avec la génération et l’équipe [de France, NDLR] qu’on a, ce serait vraiment dommageable de louper deux grosses compétitions comme ça.
A-t-il un peu lâché [Didier Deschamps, NDLR] dans son management, en vous laissant plus de liberté?
Non, il a toujours été pareil. Après, son management a évolué parce que le groupe a vieilli avec lui aussi. Ça fait longtemps qu’on est avec lui, donc c’est sûr qu’il ne va pas être avec nous comme au premier jour. Il y a des liens qui se sont créés. On est lié à vie avec ce titre de champion du monde. Je ne pense pas qu’il y ait eu des différences. C’était le même. Ça n’a pas marché, tout simplement.
🤒 Son mercato agité
Peux-tu nous expliquer comme ça s’est passé cet été?
Oui. J’ai demandé à partir. À partir du moment où je ne voulais pas prolonger, je voulais que le club ait une indemnité de transfert, pour avoir un remplaçant de qualité. Parce que c’est un club qui m’avait beaucoup apporté. J’ai toujours été heureux sur les quatre années que j’avais passées ici. Et je le suis encore. Je l’ai annoncé assez tôt, pour que le club puisse se retourner.
À qui tu l’as dit ? Au directeur sportif ou au président?
À tout le monde. Comme ça, il n’y a personne qui dit qu’il n’est pas au courant.
Et tu ne prolongeras pas…
J’ai appris quelque chose : la vérité d’hier, ce n’est pas celle d’aujourd’hui, ce ne sera pas celle de demain. Tu savais que Messi allait venir jouer au Paris Saint-Germain, toi? La vérité, c’est que j’ai voulu partir cet été.
Les dirigeants ont dit que tu ne partirais jamais libre…
Moi aussi, j’ai entendu ça. Au départ, quand j’entends ça, ça fait peur, un peu. Je parle honnêtement. Ça fait peur quand tu as ton président qui dit ça, “il ne va jamais partir libre”. J’étais devant ma télé, j’ai avalé de travers. Je me suis dit : “Il va se passer quoi?”. Après, quand tu as une réflexion, tu te dis que c’est une marque d’affection, que c’est sa manière à lui de montrer que le club tient à toi. Après, il faut toujours rester calme, ne jamais répondre à chaud. Moi, quand j’ai entendu ça la première fois, je me suis “oh là”…
On a aussi dit que Kylian Mbappé mettait la pression aux dirigeants du PSG pour avoir une grosse équipe…
Ça, j’ai fait une interview en vidéo. Si les gens écoutent bien ce que je dis, j’ai des propos clairs. Moi, mettre la pression? Le président, c’est quelqu’un de très important dans le monde du football. Moi, à 22 ans, je vais aller lui dire: “Fais ça”? Et lui, il va écouter? Non. C’est parce que le Paris Saint-Germain a un projet compétitif. Et ils veulent gagner. Ils ne font pas ça pour me faire plaisir. Ce n’est pas une fleur qu’ils me font. Bien sûr, j’étais content, ce sont des super joueurs. Mais à aucun moment, je n’ai donné un nom, une ligne directrice. Si les gens sont là, c’est qu’ils font très bien leur travail. Moi, je suis là pour jouer au foot. On discutait d’une éventuelle prolongation. Pour, au final, discuter d’un départ.
Et Nasser Al-Khelaifi a dit que maintenant, Kylian Mbappé n’avait plus d’excuses pour prolonger…
Je ne lui en veux pas, au président. Je m’entends très bien avec lui. Il défend sa position, les intérêts du club. Et c’est respectable, parce qu’il met beaucoup de passion à défendre le club. C’est un très grand président. Il n’y a pas de problème avec ça. C’est dommage. Mais c’était le jeu.
🪞 Son image et sa personnalité
As-tu l’impression que ton ambition peut être mal perçue?
Non, pas mal perçue. Il y a un décalage. C’est clair qu’il y a un petit décalage. Comment l’expliquer? Je ne sais pas. Je suis comme ça, depuis que j’ai commencé le foot. J’y suis arrivé comme ça. Je vais rester comme ça, parce que c’est qui me motive. C’est mon moteur, ça me permet de repousser mes limites, de répéter des saisons de haut niveau chaque année, et de me persuader que je peux le faire.
C’est pour ça aussi que tu as envie d’aller à l’étranger? On te colle assez facilement une image, en France…
À l’étranger, tu n’es pas LE Français. Ce n’est pas ton pays. Quand tu es Français et que tu joues en France, il y a ce côté “il est à nous”, “nous, on peut lui taper dessus”. Les étrangers, on leur tape dessus. Mais ce n’est pas à nous. Tu viens, tu joues, tu fais ta prestation, tu t’en vas. Alors que quand tu es Français, il y a ce côté affectif : “Ce gars, il est à nous, c’est le nôtre”. C’est pour ça que je n’ai pas de mal avec ça. C’est aussi une marque d’affection.
On parle souvent de plan de carrière…
J’aimerais bien rebondir sur ça. On m’a toujours collé une étiquette du joueur qui a fait son plan de carrière. Quand je signe au PSG, personne ne met le couteau sous la gorge. J’ai rencontré, avec l’autorisation de Vadim (Vasilyev, l’ancien dirigeant de Monaco), tous les clubs du monde. Tout le monde était à la table. J’ai choisi d’aller au PSG parce que je voulais jouer au PSG. Tous les critères étaient réunis. Moi, je voulais jouer au Paris Saint-Germain. J’ai passé quatre super années. Il y a eu des hauts et des bas. Mais à aucun moment, je ne me suis dit en rentrant chez moi: “Putain, pourquoi est-ce que j’ai mis les pieds ici?”. Non, non, non. Peut-être que j’ai pensé que mon temps était fini. Et c’est respectable. J’avais fait quatre années. Je l’ai dit au club: “Moi, mon avis, c’est ça. Toi, qu’est-ce que tu veux faire?”. Ils ont dit: “On ne veut pas te libérer”. Je reste, je joue, je marque.
Tu es un exemple…
Bien sûr. Il faut accepter. Je n’ai jamais reculé devant ce que je suis devenu. Ça m’aide, pour me pousser, pour limiter mes erreurs. Je sais que si je fais une erreur, elle sera beaucoup plus vue et ça donnera un mauvais exemple aux enfants. Mais j’en fais quand même. Ça montre aussi aux enfants que je ne suis pas parfait. Tout le monde fait des erreurs. Le mieux, c’est de ne pas les répéter.
Comment tu vois l’évolution depuis que tu as débuté?
D’un point de vue tactique. Et physique. Les joueurs sont beaucoup plus des athlètes, beaucoup plus prêts à performer. On les prépare à jouer 60 matchs dans l’année. Tactique aussi, parce qu’il y a de nouvelles inventions. Des coachs qui jouent à trois, à cinq… Des animations différentes, des contre-pressings… Tout est dans le détail, on ne laisse rien au hasard. On étudie l’adversaire toute la semaine. Le joueur que tu vas affronter, tu le connais depuis cinq jours.“