Malgré sa mort tragique et prématurée à l’âge de 57 ans suite à une intoxication alimentaire, Socrates restera dans les mémoires comme l’un des personnages les plus marquants de l’histoire du football. Retour sur la légende brésilienne du « révolutionnaire » Socrates.
Une légende sur le terrain et en dehors
Socrates était non seulement un footballeur absolument fantastique, mais aussi un homme provocateur qui a accompli beaucoup de choses en dehors du terrain.
En tant que joueur, la légende brésilienne était considérée comme l’un des meilleurs milieux de terrain de l’histoire du football. Socrates dégageait une prestance et aura particulière sur le terrain, non seulement en raison de sa barbe emblématique, de sa taille imposante et de son bandeau dans les cheveux, mais aussi en raison de sa vision de jeu, de ses qualités techniques et de son intelligence footballistique suprême.
Capitaine d’une génération dorée en Seleção
Capitaine de la Seleção lors de la Coupe du monde 1982, Socrates a fait partie de l’une des attaques les plus brillantes de l’histoire du foot avec des coéquipiers comme Zico, Eder, Cerezo et Falcao.
Après une défaite 3-2 contre l’Italie, le Brésil a malheureusement dû quitter le tournoi, mais cette équipe n’a jamais été oubliée. Sur le terrain, c’est probablement la meilleure équipe à ne pas avoir remporté la Coupe du monde. Leur football offensif a laissé une marque indélébile dans l’histoire du jeu. Beaucoup disent que la défaite contre les Italiens était le jour de la mort du football.
“Notre défaite contre l’Italie n’a pas été simple. C’était comme réussir à conquérir la plus belle femme du monde, mais être ensuite incapable de faire ce qui compte avec elle”, explique Socrates dans son interview avec Andy Mitten pour The National.
Au cours de ses sept années de service au sein de l’équipe nationale brésilienne, Socrates a également joué un rôle essentiel lors de la Coupe du monde 1986 au Mexique, où il a été une fois de plus un membre à part entière de l’équipe. Bien que le Brésil ait été cruellement éliminé par la France aux tirs au but, il a tout de même réussi à marquer deux fois lors de la finale.
Des titres uniquement en club
S’il n’a jamais remporté de trophées avec la Seleção, Socrates a en revanche gagné de nombreux titres en club. Il a commencé sa carrière professionnelle avec le club local de Botafago, où son immense talent a immédiatement fait apparaître qu’il était une star en devenir. Après quatre ans et un total de 101 buts en 249 apparitions pour Botafago, il est transféré aux Corinthians.
Socrates passe six saisons très réussies au Corinthians, remportant trois titres de champion d’État et marquant 172 buts en 297 matches. Son passage à Sao Paulo restera à jamais dans les mémoires pour ses exploits en dehors du terrain.
L’instigateur de la “démocratie des Corinthians”
A l’époque, le Brésil était dirigé par une dictature militaire, Socrates est totalement opposé à ce mode de fonctionnement. Comme la hiérarchie des Corinthians dirigeait le club d’une manière très similaire au style autoritaire du gouvernement, Socrates savait que des changements devaient être apportés. Grâce à lui et à son coéquipier Wladimir, ils ont créé ce qu’on a appelé la “démocratie des Corinthians”. Lisez notre article pour en savoir plus sur l’histoire de la Democracia Corinthiana.
“Avec mon coéquipier, Wladimir, je me suis soulevé contre les propriétaires en fondant une cellule socialiste appelée ‘Corinthians Democracy'”, explique Socrates.
“Les clubs voulaient avoir un contrôle total, alors que nous estimions que les joueurs devaient être consultés et non traités comme des enfants. Nous ne nous opposions pas seulement aux problèmes simples, mais aussi à la situation politique dans son ensemble.”
Homme extrêmement intelligent, qui a commencé et achevé ses études de médecine pendant qu’il jouait et qui a toujours aimé apprendre, Socrates était le personnage idéal pour être l’instigateur du soulèvement. Tous les joueurs et le personnel employés au Timao avaient désormais la possibilité de voter sur toutes les questions concernant le club (la signature des joueurs ou l’heure du déjeuner).
Ce processus a donné au club un véritable sentiment d’unité et un esprit collectif qui n’aurait jamais pu émerger sans l’influence de Socrates et de ses coéquipiers de l’époque. La preuve s’est faite avec les résultats du club qui a ensuite remporté deux titres d’État consécutifs en 1982 et 1983.
Exil raté vers l’Europe
En 1984, à l’âge de 30 ans, Socrates décide de partir en Europe pour rejoindre la Fiorentina. Mais il a du mal à s’adapter au mode de vie plus structuré de l’Italie et part après un an. “Il n’y a pas que le football dans la vie et parfois je n’avais pas envie de m’entraîner, mais de sortir avec des amis, de faire la fête ou de fumer. Ils n’appréciaient pas cela. Au Brésil, les choses sont beaucoup plus spontanées.”
Après son passage insatisfaisant à Florence, il est rentré au pays et a joué pour Flamengo et Santos, avant de se retirer là où tout a commencé, à Botafago, en 1989. Le footballeur sud-américain de l’année 1983 a quitté le football avec de nombreuses raisons d’être fier, car ses réalisations ont été révolutionnaires.
Un joueur et un homme engagé dans l’âme
Malgré ses succès exceptionnels sur le terrain, il ne faisait aucun doute pour Socrates que son travail en dehors du terrain était bien plus important. “Mes victoires politiques sont plus importantes que mes victoires en tant que joueur professionnel”, déclarait-il.
Bien qu’il ait lutté contre son addiction à l’alcool et à la cigarette, on ne peut se méprendre sur l’impact extrêmement positif qu’il a eu sur le football. Même après sa retraite, il n’a cessé d’exprimer ses opinions sur des questions cruciales et de défendre ce qu’il croyait être juste.
Ce père de six enfants avait le don de faire résonner ses mots avec les gens. Des phrases percutantes comme “Gagner ou perdre, mais toujours avec la démocratie” illustraient son engagement inflexible envers son idéologie et le rendaient incontestablement populaire.
Héritage légendaire au-delà des frontières du football
Quelques heures seulement après sa mort, en 2011, son ancienne équipe, les Corinthians est devenue championne du monde des clubs. C’était une façon idéale de rendre hommage à leur ancien héros. En apprenant son décès, l’ancien président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a rendu un vibrant hommage au grand homme, proclamant : Socrates était un “crack” sur le terrain de football et un grand ami, a déclaré Lula. “Il était un exemple de citoyenneté, d’intelligence et de conscience politique, en plus de son immense talent de joueur professionnel de football.”
Même si nous avons perdu Socrates prématurément, il ne sera jamais oublié pour ce qu’il a fait pour le football. On ne peut s’empêcher de l’admirer, non seulement pour ses capacités footballistiques magiques, mais aussi pour sa passion, sa conviction, son courage et sa capacité à défendre ses convictions. Son héritage légendaire restera à jamais gravé dans les mémoires. Socrates était le « révolutionnaire » du football Brésilien.