Formé et passé professionnel au PSG, ancien du Stade Brestois et de l’AS Poissy et fort de passages au Portugal, puis au Luxembourg, Tripy Makonda revient aujourd’hui sur sa carrière, exposant par la même occasion sa vision du football.
« Bonjour Tripy, comment vas-tu ?
Ça va bien, merci !
Plongeons directement dans le vif du sujet. Tu as été formé au Paris Saint-Germain. Comment vis-tu tes premiers pas en professionnel, à une époque où le club évite de peu la relégation ?
J’arrive à un moment donné où je suis déjà en délicatesse avec le club. Nous sommes en train de décider si je continue.
À l’époque, c’est Paul Le Guen qui me fait découvrir le groupe professionnel et m’y fait m’y entraîner régulièrement.
En tant que jeune, j’ai deux pensées : si le club descend en Ligue 2, j’ai plus de chances de jouer ; si le PSG se maintient en Ligue 1, c’est une bonne manière d’acquérir de l’expérience. Après, moi je veux surtout faire mes preuves, m’imposer dans le vestiaire, tant socialement que sportivement.
À la base, je suis quelqu’un de très timide et le PSG m’a beaucoup aidé à surmonter cette timidité.
Quand tu intègres le groupe professionnel, tu y côtoies des joueurs de renommées. Ça a dû t’être bénéfique ?
Oui, bien sûr ! Jouer avec des Kezman, Coupet ou Makélélé, ça aide. Ce sont des mecs avec du vécu du très haut niveau.
Quand je rentre dans ce vestiaire, chaque jour est un match au cours duquel je dois montrer ce dont je suis capable.
Le football est comme une société dans laquelle tu dois t’imposer. Il faut leur faire savoir qu’ils peuvent partir à la guerre avec toi.
Il ne faut pas oublier qu’au-delà d’être des joueurs en concurrence, nous sommes un groupe dans lequel chacun doit se faire sa place. Le respect et la bienveillance des autres viennent aussi de là. Et quand le groupe te met en confiance, celle-ci rejaillit forcément en toi.
Toi qui as vécu la dernière saison du PSG sous le pavillon de Colony Capital, peux-tu nous dire comment s’est amorcée la transition avec QSI ?
On était en stage à Albufeira quand Leonardo nous a annoncé la nouvelle. Ça s’est fait de manière rapide, mais tu te projettes immédiatement sur ton avenir.
À titre personnel, j’avais eu du mal l’année précédente, sous les ordres de Kombouaré, et je souhaitais déjà partir. J’en ai informé Leonardo et il m’a simplement dit : « C’est comme tu veux. Ici, on ne connait personne donc tout le monde est sur le même pied d’égalité. Si tu veux partir, la porte est ouverte, mais si tu veux rester, c’est avec plaisir. »
Après, sachant Kombouaré maintenu la saison suivante, j’avais déjà entamé les démarches pour rejoindre mon futur club, bien qu’il me restait encore un an de contrat avec le PSG.
En tant que « Titi », comment perçois-tu le fait que les jeunes d’aujourd’hui aient de moins en moins de temps de jeu en pro, en comparaison de ceux que tu as toi-même côtoyé ?
Les objectifs ne sont pas les mêmes.
Quand la finalité doit être de remporter la Ligue des Champions, ça te conditionne à moins faire jouer les jeunes. Mais quand tu regardes de plus près, il y en a qui ont quand même joué.
Et il ne faut pas oublier que les entraîneurs ne sont pas non plus là pour bousiller les gamins, mais pour les accompagner. Jouer au Paris Saint-Germain, c’est jouer dans un club surexposé.
« Comprendre le football, c’est le pratiquer, chacun à son échelle. […] Vois le jeu, appréhendes le, comprends-le et ressens-le. »
Il y a aussi la question de la culture d’un club. Si on prend l’exemple de FC Barcelone, miser sur les jeunes fait partie de son identité. En France, on est plus sur des jeunes avec des talents individuels, qui ont peut-être une pensée collective différente, plus intuitive qu’ailleurs et possiblement moins structurée.
Regarde Karim Benzema. Des joueurs comme Nasri, Ben Arfa, Menez ou même Steven Thicot étaient peut-être meilleurs que lui, mais lui a su se structurer. Quand il débute, il a une pensée tactique incroyable pour son âge. Il est efficace et comprend ce qu’il doit faire à un instant T. C’est aussi pour cela qu’il a duré.
Le 18 mai 2013, tu étais sur la pelouse lors du dernier match de la carrière de David Beckham, mais du côté Brestois. Qu’est-ce que ça t’as fait de voir ton club changer de dimension en si peu de temps ?
J’étais très content. En tant que supporter, voir des joueurs de haut niveau arriver au club, ça te donne forcément envie, tu sais que tu vas kiffer les matchs.
Quand j’arrive au Parc pour ce match, j’ai des émotions qui ressurgissent. Au-delà d’être un supporter parisien, j’habite à côté, j’ai été scolarisé au lycée Claude Bernard, juste en face de la tribune Auteuil, de laquelle j’écoutais les chants depuis ma chambre.
Je suis un Titi, j’ai été bercé par le PSG.
Sur la pelouse, je suis content car ils sont champions, mais je veux aussi montrer que j’ai progressé.
En tant que pur produit parisien, quelle vision portes-tu sur les rumeurs de rachat du Stade de France ?
Quand les Qataris sont arrivés, ils ont voulu écrire un nouveau PSG, sauf qu’ils se sont heurtés à l’Histoire du club. Cela étant, tu as aussi un PSG qui veut avoir une expansion au niveau international. Et c’est normal.
Mais quand tu fais face à une personne qui se refuse à des concessions quant au futur du Parc des Princes, c’est difficile. Alors qu’au final, ce serait du gagnant-gagnant. Tant pour la ville qui attirera de nouveaux touristes que pour le Paris Saint-Germain qui vendra plus de billets.
Le Stade de France est une idée, mais pas celle qui correspond à l’identité parisienne. C’est au Parc des Princes que s’est écrite l’Histoire du PSG.
Si QSI devait, demain, quitter le PSG, penses-tu que cela fragiliserait en l’entité-club ?
Non car je pense que le Paris Saint-Germain va bientôt arriver à un autofinancement. Ils pourront payer des salaires grâce à tout ce qui a été fait autour du club.
Tu n’attireras peut-être pas les mêmes joueurs qu’aujourd’hui, mais des mecs qui se transcenderaient pour le maillot et ce qu’il représente.
On te voit être plutôt actif sur les réseaux sociaux. Comment, en tant que personnage médiatique, les perçois-tu vis-à-vis du football ?
Ça reste une bonne chose quand c’est pour une bonne cause.
Ce qui me dérange aujourd’hui, c’est l’individualisme qui en découle, que ce soit de la part des joueurs, des éducateurs. C’est le message que certains veulent faire passer qui m’embête.
Avec ça, il y a aussi le sentiment de vérité absolue qui domine trop souvent. La vie c’est la nuance. Je pense qu’il n’y a pas de blanc ou de noir, mais du gris. Quand quelqu’un dit qu’un joueur est nul, il omet tous les facteurs qui peuvent exister autour de sa performance.
Sur les réseaux sociaux, on est directement dans la réaction, pas dans l’analyse. Et le fait qu’il y ait une multiplication des matchs joue aussi. Ton cerveau n’est pas bête, tu l’entraines et le programme à une analyse avant même que la rencontre ne soit jouée.
Justement, par rapport aux réseaux sociaux, tu tweetais, le 19 mars dernier « Prenez les bonnes décisions ». Estimes-tu avoir toi-même pris les bonnes décisions durant ta carrière ?
(Rires) La vie est faite de choix. On ne sait jamais s’ils porteront leurs fruits, mais il faut se lancer. Avant d’être footballeur, je suis un être humain.
Pendant ma carrière, pendant les moments difficiles, j’ai toujours voulu en ressortir grandi en tant qu’Homme. Je ne veux pas que le football m’empêche de trouver la paix.
Tu te prononces également régulièrement sur l’aspect tactique du football. Te verras-t-on un jour sur un banc de Ligue 1 ?
Ah ! Ça je ne sais pas. Je suis à l’Académie Diomède [dont l’objectif est de permettre aux jeunes de la 6e à la terminale de s’épanouir dans la réalisation de leurs projets professionnels et sportifs, ndlr] et je ne me vois pas forcément sur un banc de Ligue 1. Ça dépendra des opportunités.
Quelle est ta vision tactique du football ?
Tu me lances sur un débat ! Je favorise un football prospectif, un football qui s’adapte aux situations qui se présentent à toi. La prise d’information n’est pas figée, on récolte sans cesse des messages auxquels il faut apporter des réponses. C’est un football d’opportunités qu’il faut savoir saisir.
Comprendre le football, c’est le pratiquer, chacun à son échelle. Quand tu joues avec tes amis, soit aussi l’entraîneur.
Vois le jeu, appréhendes le, comprends-le et ressens-le. C’est tout un processus dont la finalité est la victoire. Il faut savoir pourquoi on rentre sur un terrain.
Quel est le joueur qui t’as le plus impressionné durant ta carrière ?
J’aime bien parler en termes de génération. Je suis de celle des années 90 et le joueur le plus fort que j’ai vu évoluer, c’est Yacine Brahimi.
Après parmi les joueurs avec lesquels j’ai joué ou que j’ai affronté, il y a eu Nenê ou Eden Hazard. Dans un style différent, je citerai également Mamadou Sakho, étant donné son caractère et son mental.
Pour revenir à Brahimi, que j’ai fréquenté au Portugal, il avait le niveau pour jouer dans n’importe quel club. Souviens-toi qu’on en a parlé au PSG, que Laurent Blanc en parlait aussi. Pour finir, ça ne s’est pas fait pour diverses raisons liées au mercato et aux accords contractuels. Je ne sais pas s’il y a eu de réels contacts, mais en tout cas… (rires).
Au regard de l’actualité, on se rend compte que le racisme, dans la société en général, et dans le foot, en particulier, est toujours autant – si ce n’est plus – présent qu’avant. Y-as-tu déjà été confronté et comment l’as-tu géré ?
Je n’ai pas été confronté de plein fouet au racisme. J’ai été victime d’injures quand je jouais à Brest, mais c’était des insultes comme on peut entendre dans tous les stades.
Mais après tu peux te poser des questions : est-ce que tu m’insultes car je suis mauvais ? Car tu en as marre de voir ma tête ? Ou pour une autre raison. Là-bas, nous étions plusieurs à être de couleur noire et on sentait les insultes.
Mais tu sais, le football est très simple : quand tu es bon, on ne te prend pas la tête ; quand t’es entre les deux, tu commences à le sentir ; quand tu es nul, les supporters vont te le faire sentir, peu importe le moyen.
Si tu devais résumer ta carrière en 2 mots, quels seraient-ils ?
Difficile à dire, mais certainement « cheminement » et « bataille intérieure ».
J’ai été formé en tant que milieu, donc quand j’ai commencé à évoluer au poste de latéral gauche, j’avoue en avoir souffert. Je ne voulais pas jouer à ce poste, je ne me sentais pas libéré, j’étais angoissé. Mais j’ai réussi à faire mon introspection et à me battre pour revenir au milieu, tout en jouant parfois quelques matchs en tant que latéral, mais avec beaucoup moins d’appréhension.
Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?
La santé, la famille, être épanoui dans ce que je vis. La vie est faite de hauts et de bas, il faut juste essayer de ressortir meilleur de toutes les situations. »